Contrairement aux autres Eglises orientales, catholiques ou non, I’Église melkite n’est pas une Église nationale. C’est une Église particulière, dans le sens canonique du mot, répandue dans tout le Proche-Orient arabe et dans une diaspora qui prend de plus en plus d’ampleur. Elle est l’héritière légitime des trois sièges apostoliques d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem. Ses origines se confondent avec la prédication de l’Évangile dans le monde gréco-romain de la Méditerranée orientale et l’extension du Christianisme au-delà des limites de l’Empire. La formation des patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, les premiers au concile de Nicée (325), le troisième à Chalcédoine (451), I’ont façonnée et en ont fait une entité territoriale et juridique.
L’Église melkite doit son caractère d’Église particulière à deux fidélités, celle à l’Empire de Byzance et celle aux sept premiers conciles œcuméniques. Elle ne prit son nom de Melkite cependant qu’à la fin du Ve siècle. Ce sobriquet, inventé par ses détracteurs, les Monophysites, pour stigmatiser sa fidélité à l’empereur (malka en syriaque) Marcien qui avait réuni le concile et au concile de Chalcédoine, est le label de son orthodoxie envers la Cattolica.
La conquête arabo-islamique du Vlle siècle fit passer en quelques années l’ère des patriarcats melkites sous domination non chrétienne: Alexandrie, Antioche et Jérusalem seront en Terre d’lslam jusqu’à la domination ottomane de 1516. A dater de ce moment l’Orient tout entier ne dépendra plus que d’une seule autorité, celle du sultan. Ce dernier sut mettre à profit la situation. Constantinople deviendra non seulement capitale politique d’un immense empire, mais capitale religieuse de l’Orient, comme Rome l’était pour l’Occident. Le patriarche œcuménique fut appelé à exercer une autorité sur les hiérarques melkites. Leur confirmation et parfois leur élection dépendent désormais du Phanar. La hiérarchie d’Alexandrie et de Jérusalem s’hellénisa complètement. A partir de 1534 jusqu’à nos jours, tous leurs sièges épiscopaux furent attribués à des grecs. Les deux patriarcats se détachèrent ainsi de la Cattolica. Mais l’Hellénisme n’eut pas de prise sur Antioche dont les patriarches étaient choisis dans le clergé indigène; ils conservèrent pour la plupart des liens avec Rome. Le patriarcat profond ne varia pas dans sa croyance, même lorsque l’un ou l’autre de ses hiérarques se trouva être plus favorable à Constantinople qu’à Rome.
L’échec de l’Union tentée au concile de Florence en 1439, servit de leçon à Rome. L’établissement d’une communion formelle avec une Église orientale devait s’opérer par la base et non par le sommet. Dans un premier stade, des missionnaires (Jésuites, Capucins, Carmes, Franciscains) se mirent au service de la hiérarchie locale et coopérèrent avec elle. Des pasteurs qui n’étaient pas en communion formelle avec Rome encourageaient leurs ouailles à s’adresser aux missionnaires. Le peuple sentait la nécessité d’une intelligence plus profonde de la foi traditionnelle qu’il vivait malgré mille ans de répression. Il aspirait à la trouver auprès de religieux plus instruits que son clergé. Deux tendances se font alors jour parmi le peuple : ou pour Constantinople, ou pour Rome. En 1724, à la mort du patriarche Athanasios III Dabbas, une double lignée de patriarches va s’instaurer, l’une orthodoxe, l’autre catholique. En 1729, Rome reconnaît Cyrille VI Tanas comme patriarche de l’Eglise grecque-melkite catholique. De nouveaux Ordres monastiques furent fondés, un clergé éduqué à Rome dispensait l’enseignement dans des écoles nouvellement fondées. Un séminaire fut ouvert à Aïn Traz (1811). En 1848, le patriarche Maximos III Malzoum (1833-1855) obtient du Sultan la reconnaissance complète de son Eglise.
Le Patriarche Maximos IV (1947-1967) s’illustra au Concile Vatican II par la force de ses idées, au point que l’on dit de lui qu’il fut l’un des Pères qui firent le Concile. Il avait une haute conception de son Eglise, qu’il voyait comme un pont entre Rome et l’Orthodoxie, et à ce titre, parlait au nom du frère absent de la grande Eglise orthodoxe qui ne compte pas moins de deux cents millions de fidèles.