Une tradition, qui prit corps assez tôt et fut définitivement constituée au Vlème siècle, rapporte que Sainte Hélène, mère de l’Empereur Constantin, retrouva près du Golgotha les trois croix qui avaient servi au supplice du Seigneur et des deux larrons. La guérison d’une femme mourante permit à l’évêque Macaire de reconnaître, comme étant la Croix du Seigneur, celle dont le contact avait opéré le miracle.
La Sainte Croix fut conservée dans la basilique de l’Anastasis jusqu’au 4 mai 614, date à laquelle les Perses l’emportèrent, après avoir pris la ville de Jérusalem et détruit la Basilique. En 628, l’empereur Héraclius battit Chosroès et ramena la Sainte Croix à Jérusalem. Héraclius prit sur ses propres épaules le bois vénérable et le reporta en grande pompe jusqu’au Calvaire. Mais, arrivé devant la porte du sanctuaire, l’empereur, magnifiquement habillé et couvert j’or, fut arrêté, dit la légende, par une force invincible. Zacharie, évêque de Jérusalem, lui dit : « Prenez garde, empereur, qu’avec ces ornements de triomphe, vous n’imitiez pas assez la pauvreté de Jésus Christ et l’humilité avec laquelle il a porté sa croix. » L’empereur se dépouilla alors de ses splendides vêtements pour se vêtir d’un manteau vulgaire et, pieds nus, put continuer sa route.
On vénère aujourd’hui dans la crypte du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, l’emplacement où la tradition place la découverte de la Sainte Croix par Sainte Hélène. Cette chapelle commémorative faisait partie d’un ancien fossé de la ville juive. Il existait déjà au temps de Notre Seigneur. Comblé plus tard, il fut aménagé par les architectes constantiniens en crypte pour la basilique.
Une partie de la Croix, apportée à Rome au Vlème siècle, fut exposée par ordre du Pape oriental Serge 1er (687-701), dans l’église du Sauveur, à la vénération des fidèles.
C’est pourquoi, tant en Occident qu’en Orient, la fête de la Sainte Croix eut dès cette époque une importance considérable dans le calendrier liturgique. Elle fait pendant au Vendredi Saint, dont elle est un rappel direct. Mais, alors que la fête du Vendredi Saint insiste davantage sur l’événement historique de la Rédemption par le Christ, dans ses souffrances et dans sa mort, la fête d’aujourd’hui nous représente plus particulièrement l’aspect glorieux de cet événement et, partant, de l’instrument de supplice sur lequel mourut le Seigneur.
L’Église nous rappelle dans l’Office les symboles de l’Ancien Testament, annonciateurs de la Croix : l’arbre de l’Eden, qui nous perdit (la Croix devait nous sauver) ; l’arche de Noé qui opéra le salut des justes (la Croix opère même celui des pécheurs) ; Jacob croisant les mains pour bénir les fils de Joseph ; Moïse étendant les bras pour ouvrir dans la Mer Rouge une porte de salut au peuple israélite, puis jetant du bois dans les eaux de Maran pour en adoucir l’amertume ; le même Moïse frappant le rocher de son bâton pour en faire jaillir l’eau vivifiante, et priant, les bras en croix, pour la victoire du peuple juif sur Amalec ; la verge d’Aaron ; le serpent d’airain ; la disposition en croix prise par le peuple juif autour de l’arche d’Alliance…
La Croix elle-même est l’instrument de la passion, l’escabeau où le Seigneur pose ses pieds, le trophée de la victoire, le rempart de l’Église, le remède dans les maladies, l’honneur des chrétiens.
Cependant, les textes de la divine Liturgie nous conservent davantage dans l’esprit de la Passion douloureuse du Seigneur abandonné par son Père sur la Croix, « scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs » (c’est-à-dire les païens).
Cette fête nous replace au plus profond du mystère de la souffrance, qui n’est plus désormais pour nous une fatalité révoltante mais une épreuve d’amour surnaturelle qui nous configure au Seigneur dans la purification de nos fautes et déjà, par désir, dans l’exultation de sa Gloire.
Sauve, Seigneur, ton peuple ; bénis ton héritage. Accorde à nos chefs victoire sur les ennemis. Garde par ta Croix ce pays qui est tien.
KONDAKION Mode 4
Toi qui fus volontairement éleve sur la croix. Christ Dieu, fais miséricorde à ton peuple nouveau qui porte ton Norn. Donne à nos chefs fidèles, la joie dans ta Puissance, leur accordant la victoire contre les ennemis. Qu’ils trouvent dans ton alliance une arme de paix, un trophée invaincu.
Liturgicon, Missel byzantin à l’usage des fidèles, Mgr. Néophytos Edelby